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L’émerveillement moteur d’engagement

Ecologie

Rencontre avec JP Goux, Fondateur de l’ONG OneHome

Mathématicien, auteur du thriller écologique « Le Siècle Bleu », Jean-Pierre Goux, conspirateur positif fonde l’ONG OneHome en 2020 avec l’idée que l’amour peut sauver la Planète donc l’humanité.

En 1972, la mission Apollo 17 partage les clichés « Blue Marble », notre planète vu du ciel pour la 1ère fois. Quelle portée ont ces images alors et aujourd’hui près de 50 ans plus tard ?

Lorsque la NASA a dévoilé le 7 décembre 1972, Blue Marble, le premier cliché de la Terre en entier, l’humanité a découvert pour la première notre maison commune, ce vaisseau spatial Terre sur lequel nous sommes embarqués avec toutes les autres espèces vivantes. La Terre nous a émerveillés par son immense beauté, mais aussi sa solitude au milieu du vaste cosmos. Cette image est parvenue au moment où les problèmes écologiques devenaient globaux et nécessitaient une coopération entre les peuples. Visualiser la Terre en entier a permis de se représenter mentalement cette interdépendance, cette co-responsabilité. Ce cliché a joué un grand rôle dans l’émergence des ministères de l’environnement à travers le monde et des grandes ONGs environnementales. 50 ans plus tard, l’aspect émotionnel de ce cliché s’est émoussé, l’humanité a arrêté de regarder la Terre et c’est peut-être l’une des origines de notre indifférence.

OneHome propage cet overview effect auprès du plus grand nombre ? En quoi la démultiplication de l’expérience pourrait changer les consciences ?

L’overview effect est le nom donné par l’américain Frank White à la transformation vécue par les astronautes en orbite lorsqu’ils ont découvert la Terre. La combinaison de la Terre en vision grand large, l’apesanteur, la peur et le silence ont créé toutes les conditions pour vivre une expérience extatique. Cela a changé leur regard sur le monde (un regard poétique et émerveillé) et ils ont compris viscéralement, l’interdépendance et l’unité du vivant. Avec OneHome, nous souhaitons que tout le monde puisse ressentir un tel bouleversement. Cette initiative s’inscrit dans la vision de la deep ecology, qui prône le triptyque « deep experience, deep emotions, deep commitment » (expérience profonde, émotions profondes, engagement profond).

Dans mon roman Siècle bleu, j’imaginais qu’une généralisation de l’overview effect puisse changer les choses à grande échelle, avec OneHome, nous essayons de faire passer cette utopie à la réalité.

Les gouvernements semblent globalement sourds à la fin de l’espèce humaine annoncée. Quel rôle pouvons-nous jouer ? De quels signaux faibles pouvons-nous nous réjouir ?

On ne va pas vers une fin de l’espèce humaine, mais plutôt vers une dégradation dramatique des conditions d’habitabilité de notre planète, pour nous et les autres habitants du vaisseau Terre. Homo sapiens a émergé, il y a 300 000 ans sur une planète qui était un éden et aujourd’hui, à près de huit milliards, nous en sommes devenus la principale force géologique de transformation. En 2020, un article du journal Nature a montré que la quantité d’objets artificiels fabriqués par les humains avait dépassé le poids de la Biosphère. Nous sommes en train de complètement artificialiser ce monde. En détruisant le vivant, on détruit le système de support vie de la Terre (le système de support vie dans un vaisseau spatial est l’ensemble des équipements permettant de maintenir en vie l’équipage). Face à ce constat, nous pouvons tous jouer un rôle en adoptant des comportements qui ne nuisent pas à la biosphère et aussi en s’engageant dans notre travail ou auprès d’associations pour faire changer véritablement les choses. Aujourd’hui, la prise de conscience augmente, mais le passage à l’action demeure lent (chez les individus et les gouvernements) car changer est difficile. Et ce sont tous nos comportements que l’on a besoin de réinventer.

On ne va pas vers une fin de l’espèce humaine, mais plutôt vers une dégradation dramatique des conditions d’habitabilité de notre planète, pour nous et les autres habitants du vaisseau Terre. Homo sapiens a émergé, il y a 300 000 ans sur une planète qui était un éden et aujourd’hui, à près de huit milliards, nous en sommes devenus la principale force géologique de transformation. En 2020, un article du journal Nature a montré que la quantité d’objets artificiels fabriqués par les humains avait dépassé le poids de la Biosphère. Nous sommes en train de complètement artificialiser ce monde. En détruisant le vivant, on détruit le système de support vie de la Terre (le système de support vie dans un vaisseau spatial est l’ensemble des équipements permettant de maintenir en vie l’équipage). Face à ce constat, nous pouvons tous jouer un rôle en adoptant des comportements qui ne nuisent pas à la biosphère et aussi en s’engageant dans notre travail ou auprès d’associations pour faire changer véritablement les choses. Aujourd’hui, la prise de conscience augmente, mais le passage à l’action demeure lent (chez les individus et les gouvernements) car changer est difficile. Et ce sont tous nos comportements que l’on a besoin de réinventer.

Il est beaucoup question de Transitions, du monde d’après… Là où l’on ne pourrait lire que la suite de notre histoire ? Quelles grandes avancées espères-tu dans les années à venir ?

La notion de monde d’après-est très vague. En ce qui concerne le virus, nous sommes d’ailleurs plutôt dans « le monde d’avec » que « d’après ». Le monde qui nous environne est notre reflet. Si nous changeons, le monde changera. C’est la première fois qu’une crise nécessite que l’intégralité des humains changent, car le statu quo de quelques-uns nuirait à tous. C’est un défi unique dans l’histoire de l’humanité et une question d’une ampleur inouïe. Ce monde « extérieur » et destructeur de vie, est en effet lié à notre nature humaine profonde, à nos habitudes, à nos addictions et conditionnements ainsi qu’aux méga structures sociales que nous avons créées (institution, oligarchie, pouvoir, argent). Penser une transition est donc extrêmement complexe, car ce point de départ ne peut pas être nié. Je suis depuis l’été dernier en train d’écrire un essai là-dessus, Révolution bleue, pour comprendre les origines de la rupture entre l’humanité et la Biosphère, et les capacités humaines que l’on pourrait activer pour changer la donne.

La bonne nouvelle, c’est qu’elles sont déjà en nous : développer le cœur et la compassion, clarifier notre mental pour se débarrasser de nos conditionnements, cultiver l’émerveillement pour développer un regard poétique sur le monde. Je crois au pouvoir de la poésie et de notre capacité à nous reconnecter à la poésie du monde. C’est une source de joie et d’amour, et donc de bonheur. On a confondu bonheur et plaisir. Le plaisir est éphémère, le bonheur est durable. On peut parvenir à rendre désirable une telle société, c’est le pari que je fais dans ce nouveau livre, mais il me reste encore de longs mois d’écriture et de réflexion. Ce travail permettra aussi de faire mieux comprendre l’importance de l’approche choisie dans OneHome.

Tu portes une vision très humaniste et le rêve d’une communauté unie. N’est-ce pas une utopie ? Comment pouvons-nous arriver à cette union globale au milieu du chaos ?

Le grand Théodore Monod disait « L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais l’irréalisé ». Je m’inscris totalement dans cette vision. Évidemment que c’est utopique, mais j’essaye de comprendre les lignes de force qui structurent notre société et l’empêchent de changer, pour proposer une utopie concrète, réellement capable de faire bouger les choses. Le prix Nobel de Chimie Ilya Prigogine, grand penseur de la complexité, disait « Lorsqu’un système complexe est loin de l’équilibre, de petits îlots de cohérence dans une mer de chaos ont la capacité de déplacer l’ensemble du système vers un ordre supérieur.»

Je crois à cette approche. Si des petits groupes conscients évoluent vers un autre mode de vie, donnent envie, cela peut entraîner tout le reste de la société. Et comme une grande majorité aspire à un système, cela peut aller très vite.

OneHome est une initiative récente qui a déjà fédéré des personnalités référentes au niveau international. Quelles sont les prochaines étapes ? Comment pouvons-nous vous aider et de quelles manières contribuer ?

Nous avons déjà réuni un collectif d’artistes, de designers, de philosophes et scientifiques autour de l’initiative. Nous allons continuer dans les prochains mois à étoffer ce réseau de soutiens. Une fois que les événements reprendront (je l’espère), nous lancerons en deuxième partie d’année une plateforme inédite permettant à toutes et tous de déclarer son amour à la Terre. Ensuite, nous lancerons une autre expérience permettant de créer des îlots de cohérence dont parle Prigogine par des overview effect collectifs. Dans l’immédiat, nos besoins sont de trouver encore quelques mécènes pour boucler le financement de cette plateforme (car nous souhaitons que tout demeure gratuit) et puis ce sera des besoins de communication pour relayer le lancement et étendre le mouvement. Nous n’en sommes qu’au début.