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Exposition Design(s) : Mobilité & Territoire – Interview de Aramis Rüdisühli, Designer

Le 18 Déc 2024 Création Innovation

Aplo est le fruit d’un projet collaboratif avec la startup suisse Shematic. Il s’agit d’un accessoire conçu sur mesure pour leur vélo cargo, le Yakbike, développé dans le cadre de mon projet de bachelor à l’ECAL et visant à améliorer le confort d’utilisation.

Ce projet place l’interaction avec l’utilisateur au cœur de sa conception, en proposant, par exemple, des rangements étanches adaptés aux objets couramment transportés par les coursiers. Ainsi, Aplo a été conçu pour être volontairement compact afin de ne pas nuire à la maniabilité du vélo. En cas de pluie, un pare-brise auto-déployable (fonctionnant comme une tente de camping) peut être ajouté pour protéger le livreur. Enfin, sa construction utilise les mêmes matériaux, principes de fabrication et fournisseurs que le reste du vélo afin de répondre aux exigences d’usage et de production

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à explorer le design dans le contexte de la mobilité et du territoire ?

Cet intérêt pour le contexte de la mobilité et du territoire provient probablement de mon passé de cycliste compétitif. Le cyclisme sur route se pratique (comme son nom l’indique) sur route. J’ai ainsi passé de nombreuses heures à côtoyer d’autres véhicules et à observer l’aménagement du territoire, en particulier celui des routes.

Quels défis avez-vous rencontrés lors de la conception ou de la réalisation de votre pièce ?

Étant un projet collaboratif entre moi, étudiant dans une école de design, et une startup, le principal défi était de trouver un équilibre entre les attentes des deux parties. D’un côté, l’ECAL exigeait la création d’un objet innovant et conceptuel, tandis que de l’autre, l’entreprise avait des besoins très concrets, avec des contraintes financières et une capacité de production limitée.
Pour le résultat final, j’ai choisi de combiner les meilleurs éléments que ces deux exigences pouvaient m’offrir.

Selon vous, comment le design peut-il rendre notre quotidien plus vivable ? Quel rôle les designers peuvent-ils jouer ?

En rendant les objets plus humains. On peut toujours demander à un ingénieur de concevoir un produit performant ou à un spécialiste du marketing d’imaginer un objet qui se vend. Cependant, dans ces deux cas, l’aspect utilisateur, l’humain, n’est pas réellement pris en compte. On se retrouve alors avec un objet déconnecté de la réalité et du contexte dans lequel il sera utilisé.
Le rôle du designer est d’intégrer l’utilisateur dans le processus de conception, en se positionnant comme l’interface entre l’ingénieur, le commercial et l’humain. Cela est d’autant plus crucial dans un contexte où l’on est pleinement conscient de l’impact environnemental de la production, rendant la création d’objets qui ne répondent pas à un besoin réel non viable.

Comment déployer votre idée à l’échelle du territoire ? Quels moyens ou ressources mobiliser ?

Il faudrait se concentrer sur la création de ce qui est essentiel et nécessaire. Tant de ressources et d’énergie ont déjà été investies dans l’aménagement du territoire qu’en dépenser inutilement relève presque du gaspillage. L’idéal serait de réaménager les structures existantes pour les adapter au mieux au contexte actuel, tout en utilisant le moins de ressources possible.
Certes, cette vision peut sembler quelque peu idyllique, et dans certains cas, il est indispensable de construire et d’investir de l’énergie dans de nouvelles infrastructures. Cependant, nous vivons dans une société où la politique d’aménagement du territoire et les ressources qui y sont allouées dépassent largement les exigences écologiques et les besoins réels.

Quels sont vos projets futurs ou vos créations en cours ?

Je ne peux malheureusement pas vous en dire beaucoup pour l’instant, mais ma priorité reste de m’impliquer dans des projets alignés avec mes valeurs. Je refuse de créer sans sens, encore moins dans le monde actuel.


Votre vision du territoire en 2050 ?

2050 semble à la fois lointain et proche… Je pense que nous aurons dépassé la « date limite » et que le pragmatisme prendra le dessus (du moins, je l’espère).
On ne verra plus de projets qui ne sont que de simples gaspillages de ressources. Nous vivrons dans un territoire dont les fondements resteront identiques à ceux d’aujourd’hui, mais qui aura été adapté ou réaménagé pour répondre à des besoins dont nous n’avons pas encore conscience.
Peut-être que construire le territoire actuel de manière « modulaire », de sorte qu’il puisse être réutilisé différemment à l’avenir pour répondre à de nouvelles contraintes, est une philosophie que nous devrions envisager. Le designer, et la considération humaine qu’il peut apporter, seront donc d’autant plus essentiels.